Notre-Dame-du-Haut, Le Corbusier

Notre-Dame-du-Haut, Le Corbusier

Moins qu’un édifice, la chapelle Notre-Dame du Haut est un lieu. Haut lieu de pèlerinage, la colline de Bourlémont domine la ville de Ronchamp.

Fondation du Doute © ppc 2013
Fondation du Doute © ppc 2013

1950, l’architecte dessine la Chapelle d’un trait. Le Corbusier reprend cette grande tradition de l’architecture classique : penser un volume en fonction de l’espace dans lequel il s’inscrit. Le béton est le liant de la lumière et la lumière une surface pleine de saillies et d’entailles, de gâches et de pênes, verrouillant le vide au plein ; l’espace au volume. « Un homme qui recherche l’harmonie a le sens du sacré » Tout est construit en fonction du nombre d’or qu’il nomme Modulor. Sa section dorée a la taille d’un homme aux bras tendus. « Pleine main j’ai reçu, pleine main je donne. » Les façades nord dominées par deux tours, possèdent des murs convexes. Les parois des confessionnaux sont gagnées sur le vide. La pénitence a la gibbosité des formes qui repoussent le froid. Au sud, la paroi est concave. Garder la chaleur, cribler la chapelle de lumières. Le mur est constellé d’alvéoles. Récolter le pollen du soleil sur le béton blanchi à la chaux. Les ombres jouent avec la facétie de Miro. Une foi réversible toujours tournée vers Dieu. La grande porte en tôle d’acier, biface, peinte d’émaux par l’architecte, pivote sur 360 degrés. La vierge Marie pirouette indifféremment devant l’autel extérieur ou intérieur. L’amour est gigogne, la croyance ubiquiste. Une maison de Dieu minimum, dépouillée. Simplicité des lignes et tension ; l’épure d’une crucifixion. Pas d’architecture ostentatrice, de retable écrasant pour fabriquer des visions à celui qui ne voit pas. Le pèlerin est en tête-à-tête avec lui-même. Trois chapelles dont une colonne de ciel rouge sang. Se recueillir au plus profond de soi. La nef est sans transept. La dalle est une pente douce glissant vers la table de communion. Les bancs ont la rigueur des traits noirs. 200 personnes. Pas plus. Le bronze des chandeliers fait écho à celui des poignées de portes. Ouvrir.

David Nash, Red Dome, 2009 © ppc, Caumont sur Loire.
David Nash, Red Dome, 2009 © ppc, Chaumont sur Loire.

La lumière toujours. Le béton règne, les pierres claires sont à confesse là où respire le sacré (autels, bénitiers). La voûte est une toiture-coque en béton. Deux dalles : « deux conoïdes renversés et parallèles. Une coquille de crabe » pour laquelle on aurait réinventé l’ogive. Le bénitier ressemble à un cornet à dés. Le fidèle est aussi agnostique. Partout des glaces claires, non des vitraux, « Je compose avec la lumière ! » sur lesquelles un rappeur aurait tagué son désespoir pour Marie « pleine de grâce ». Dehors, l’Est et le soleil levant. Les collines, la forêt, un immense chœur qui tombe, le ciel pour voûte, l’herbe pour stalles et les monticules de taupes pour miséricordes : 10 000 personnes en pèlerinage, agenouillées devant l’autel, sa chaire en béton et l’ombre portée de la croix plus lourde que le bois. Parole de lieu, « une sculpture de nature acoustique » et les quatre horizons poussés par les cloches du campanile. « M. Le Corbusier, au nom du directeur de la Chicago Tribune, répondez à cette question : pour bâtir cette chapelle, faut-il être catholique ? » Je lui ai dit : « Foutez-moi le camp ! » 25 juin 1955, jour de l’inauguration.

Philippe Pataud Célérier

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