Une vie chinoise, autobiographie du dessinateur Li Kunwu
Cette bande dessinée en trois tomes est le récit autobiographique du dessinateur Li Kunwu. Né en 1955 juste avant le Grand Bond en avant, il a été pendant plusieurs années le dessinateur attitré du Yunnan Ribao, le seul quotidien du Yunnan, sa province natale. C’est donc de cet extrême sud de la Chine que Li raconte son histoire, qui comme toute vie chinoise, surtout depuis ces dernières décennies, est inextricablement liée avec l’histoire de la Chine. Chaque page, bourrée d’anecdotes, aussi vivante qu’un dazibao, dote ce récit visuel d’une matière quasi ethnographique sous la coupe de ces deux accélérateurs d’histoire qu’ont été le chaos révolutionnaire et l’économie de marché. Invité d’honneur fin 2011 au Rendez-vous de l’histoire de Blois (prix de la meilleur BD historique) Li Kunwu, qui est toujours membre du Parti communiste rappelait que « son histoire dans l’histoire » d’un homme presque sans histoire avait été « traitée de la façon la plus neutre possible ». Quitte à interrompre le fil de la narration quand ce n’était pas le cas. Concernant l’épineuse question du « 6-4 », la répression sanglante du 4 juin 1989, Li nous fait ainsi partager ses désaccords avec son co-scénariste français, Philippe Ôtier : « Témoigner, témoigner…mais de quoi ? Je te l’ai déjà dit : j’étais à la frontière, en train d’étudier la sculpture…Le peu de choses que je savais de Tian An Men c’était par la radio…(…) Tu sais quoi ?! Là exceptionnellement, je préfèrerais exprimer tout simplement mon opinion… » Ce récit, non encore publié en chinois, dit aussi en creux ce qui est toujours difficile d’aborder dans son pays.
Philippe Pataud Célérier
Une vie Chinoise, tome 1 : Le temps du père. Tome 2 : Le temps du Parti. Tome 3 : le temps de l’argent. Li Kunwu, Philippe Ôtié, éditions Kana, Bruxelles, 2009-2011.
Voir Les pieds bandés, Éditions Kana, 2013.