Voyage en Malaisie : sur les pas de Jacques de Morgan (1857-1924)
Jeune ingénieur, Jacques de Morgan est envoyé par une société d’exploitation minière dans la presqu’île malaise afin de prospecter des gisements de minerais d’étain. Le géologue cède rapidement le pas à l’explorateur. Sa curiosité le pousse, écrit-il, à « s’enfoncer dans l’inconnu de ces massifs montagneux qu’on voyait de la plaine, (…) où jamais européen n’avait pénétré ». Il n’a que 27 ans quand, en juillet 1884, il part découvrir le royaume de Pérak situé au centre et au nord-est de la péninsule. Outre d’importants travaux géologiques et relevés cartographiques qu’il effectuera, il veut « étudier les populations sauvages qui habitent les montagnes d’un point de vue anthropologique et linguistique, et de rapporter sur l’histoire naturelle de ces régions inconnues, tous les documents que je serais à même de me procurer. »
En deux mois, l’explorateur fait œuvre d’ethnographe : collectes d’objets (parures végétales, vanneries, sarbacanes, fléchettes, etc), prises de notes, sens de l’observation, soif du détail. La périlleuse aventure est décrite jour après jour dans le Journal de voyage du12 août 1884 : « Cette peinture est faite à la chaux. Les Sakayes obtiennent de la chaux en calcinant des coquilles de Mélania. Cette chaux leur sert à chiquer le bétel et à se peindre la figure. Ce procédé de préparation de la chaux donne une preuve irréfutable de l’absence des calcaires dans les grandes montagnes.» Jacques de Morgan joint à la rigueur scientifique des qualités artistiques indéniables comme en témoignent ses dessins et ses portraits au crayon remarquables, à l’instar de ce mademoiselle Long, qu’on veut lui donner pour épouse le 27 août. Il est le premier à visiter un grand nombre de communautés Orang Asli (populations aborigènes) particulièrement les groupes sakayes et somang sur lesquels il livre une minutieuse étude. Faute de moyens financiers, il ne pourra jamais éditer son voyage.
Journal de Jacques de Morgan dans la presqu’île malaise, 1884. CNRS-Editions, 2004 ; Andrée Jaunay avec les contributions de Christine Lorre, Antonio Guerreiro et Antoine Verney. Préface de Geneviève Dollfus et avant-propos de Christian Pelras.