Droits de l’homme en Papouasie ? Circulez rien à voir !
En matière des droits de l’homme, rien n’a véritablement changé en Nouvelle-Guinée Occidentale, la partie occidentale de cette grande île mélanésienne qu’est la Nouvelle-Guinée. C’est ce qu’on déduira une fois encore du dernier rapport rendu en juillet 2018 par Amnesty International (1). Un rapport qui n’est cependant pas une enquête. Personne (ONG, journalistes….) n’ayant le droit de circuler dans cette région férocement quadrillée par l’armée et la police indonésienne.
Ce rapport, Amnesty a tenté de le faire en interrogeant des familles de victimes, témoins, groupes de défense des droits de l’homme, militants politiques et organisations ecclésiastiques ; tous ceux qui n’avaient pas peur de témoigner ; une infime minorité à l’aune de cette menace génocidaire qui, jour après jour, ronge le peuple papou depuis 1963. Rappelons les faits : après le départ des Néerlandais, anciens colonisateurs de l’archipel indonésien, l’Indonésie prenait le contrôle de la Nouvelle-Guinée Occidentale le 1er mai 1963. Avec pour objectif ultime de garantir la liberté d’expression de la population papoue pour laquelle elle devait mettre en œuvre le plus rapidement possible un référendum d’autodétermination. Ce référendum organisé sous l’arbitrage des Nations Unies avait été demandé par les Néerlandais et accordé par les Nations Unies pour assourdir les menaces belliqueuses entre l’ancienne puissance coloniale et le nouveau pays décolonisé. En attendant le référendum, l’autorité des Pays-Bas sur la Nouvelle-Guinée Occidentale était transférée à l’ONU (1er octobre 1962) qui la plaçait ensuite sous la « complète responsabilité administrative » indonésienne (1er mai 1963).
Mais le processus référendaire pris du temps ; ce temps en fait que l’armé indonésienne s’était donné pour occuper pleinement la Papouasie (liberté politiques suspendues, presse contrôlée, conditionnement scolaire assuré…) et éradiquer ses élites en quête d’indépendance. Six ans plus tard le référendum se tenait enfin pour quelques uns seulement – un millier de papous sur les 800 000 que comptait à la fin des années 1960 leur territoire. De ce référendum, les 1023 papous n’en connaîtront qu’un simulacre ; étant forcés – parfois manu militari – de voter leur adhésion sans faille à Djakarta.
Ce 19 novembre 1969, l’Assemblée Générale des Nations Unies reconnaissait la souveraineté indonésienne sur la Nouvelle-Guinée Occidentale. Les Nations Unies « prenaient note », fermant définitivement les yeux sur les conditions d’exercice d’un référendum d’autodétermination bâti à rebours de tout ce qui en faisait la légitimité (à commencer par un choix électif libre de tout asservissement). Mais comment pouvait-il en être autrement quand seulement 16 observateurs étaient dépêchés sur un territoire presque aussi grand que la France ?
A compter du 1er décembre 1961, l’administration coloniale néerlandaise a accepté que le drapeau papou soit hissé aux côtés du drapeau néerlandais. Deux ans plus tard la Papouasie était annexée par les Indonésiens. Depuis cette mascarade de référendum la population de Nouvelle-Guinée Occidentale, divisée en deux provinces indonésiennes (2003) subit tout ce qu’un régime totalitaire peut faire endurer à une population isolée, méprisée, oubliée car tenue à distance des feux médiatiques. C’est dire l’importance de ce dernier rapport d’Amnesty International pour rappeler au monde les exactions qui sont commises loin de toutes caméras.
On apprend ainsi que les forces de sécurité indonésiennes seraient impliquées dans les exécutions sommaires d’au moins 95 civils. Probablement en deçà de la vérité ce décompte nous éclaire toujours sur deux points essentiels : l’impunité des meurtriers et le racisme rampant qui innerve chacune de ces actions assassines. Car la vie d’un Papou – on peut le lire une fois de plus – ne vaut rien. Si 39 décès sont liés à des activités politiques pacifiques incluant des rassemblements au cours desquels le drapeau papou de l’indépendance – interdit – était levé, les 56 autres personnes sont tout simplement victimes du bon vouloir arbitraire de militaires et policiers armés. Au seul fait d’avoir croisé des hommes armés qui ce jour là avait envie de se « faire du Papou ». Ces crimes raciaux prospèrent d’autant plus qu’aucun jugement n’est venu jusqu’à l’heure condamner pénalement leurs responsables. Pour preuve le fameux massacre de Biak dont on « fête cette année le vingtième anniversaire (2).
Ce 6 juillet 1998, suite à une manifestation pacifique sauvagement réprimée par les militaires, 139 personnes – dont des enfants – étaient violées, torturées, mutilées avant d’être embarquées sur deux frégates et jetées à la mer. Aucune enquête n’a été jusqu’à ce jour diligentée, aucun soldat inquiété… Alors que Filep Karma, l’un des leaders de la manifestation était de son côté condamné à 15 ans d’emprisonnement pour avoir simplement brandi le symbole de l’indépendance de la Papouasie occidentale, le drapeau de l’étoile du matin. Deux poids, deux mesures ; à la démesure d’un régime policier et militaire qui fait régner en Papouasie la misère et le chaos, premiers terreaux dont ont besoin militaires et policiers pour nourrir leurs prébendes sur un territoire sans loi. Les Papous sont désormais minoritaires sur leurs terres natales (3).
- Rapport 2017/2018
- http://www.biak-tribunal.org/
- Les Papous minoritaires en Papouasie, Le Monde Diplomatique, 2015