Entre BD et peinture, la Chine de Li Kunwu
Li Kunwu développe en marge de son activité de dessinateur de BD, une production artistique à part entière d’un éclectisme surprenant. Ce travail fait pour la première fois l’objet d’une exposition muséographique en France. Un événement qui commence le 24 janvier 2015 au musée Cernuschi. Jusqu’au 1er février. Lire aussi : L’humour face à l’absurde, Le Monde Diplomatique, octobre 2015.
Dessinateur infatigable, peintre, caricaturiste, journaliste pendant trente ans au quotidien du Yunnan, auteur de près d’une trentaine d’ouvrages dans sa province natale du Yunnan et de sept bandes-dessinées documentaires en France, Li Kunwu (né en 1955) est un artiste hors du commun dont le destin se confond avec l’histoire de Chine. Publié depuis 2010 par les éditions Kana (Dargaud), chacun de ses ouvrages fait poids.Tout commence avec « Une Vie Chinoise », où pendant cinq ans – de 2005 à 2010 -, Li Kunwu dessine sa vie, une vie qui commence en 1955 pour se poursuivre sur le papier quelques cinquante-cinq ans et trois tomes plus tard. Elle laisse derrière elle un témoignage impressionnant sur l’histoire d’un homme, soldat-dessinateur de Mao, qui a traversé tout ou presque de l’histoire chinoise récente.Avec le co-scénariste, Philippe Ôtier, ils signent un document unique sur les coulisses de la propagande du parti et ces années rouges encore méconnues de la jeune génération. La trilogie (2010) sera récompensées par de très nombreux prix (Ouest-France Quai des Bulles 2010, Rendez-vous de l’Histoire de Blois 2011, Grand Prix du Manga de Chine 2013, Prix du Festival de bande-dessinée d’Alger 2013, Prix d’excellence au Japon janvier 2015, etc.) et traduite en une quinzaine de langues.
Son deuxième ouvrage, «Les pieds bandés» (2013), dont le trait torturé esquisse toute la difficulté du récit, donne un regard acéré sur cette terrible pratique qui marqua dans leurs chairs des millions de femmes chinoises. La chute de la dernière dynastie sonna peu à peu son déclin. Mais, à la périphérie de l’empire, dans la province du Yunnan dont est originaire Li Kunwu, certains villages continuèrent à bander les pieds des fillettes jusque dans les années 1930. Li a également enquêté sur le chemin de fer du Yunnanfu, construit par les français au début du 20e siècle « Un chemin de fer sous les nuages » (2013) ; abordé le terrible épisode l’occupation japonaise en Chine mais sous un prisme très original, celui de documents photographiques pris par des photographes nippons, « Cicatrice » (2014). Enfin, dans « Empreinte » (2014), il nous livre à travers un dialogue avec son fils parti vivre à Londres quelques clés de la culture chinoise. L’ensemble de l’œuvre est impressionnant, mêlant le témoignage à l’histoire, le tout dans un style unique, réalisé par un artiste hors de tout courant académique.
Car la particularité de Li, au-delà de son histoire exceptionnelle, est de maitriser un nombre de techniques et de traits étonnants. Peinture traditionnelle, dessin de propagande, de presse, caricature, bande-dessinée, il s’adapte avec une souplesse et une facilité impressionnante à tous les genres. Enfant d’une génération qui n’a pu suivre ni beaux-arts ni formation académique, il s’est formé en autodidacte, dans les méandres des années Mao, pour arriver aujourd’hui à une vraie maturité artistique. Celle-ci lui a donné envie de développer son travail de peintre et d’exposer les dessins qu’ils réalisent dans son atelier. Après une première exposition de ses travaux dans sa ville de Kunming, c’est la première fois que ses dessins sont présentés en France. G. Clastres
Mael Bellec, Geneviève Clastres et Philippe Pataud Célérier, janvier 2015, commissaires de l’exposition. Pour toutes info : Est-Ouest 371
Retrouvez Li Kunwu à Angers au sein de l’Institut Confucius : pour ses« Scènes de la vie ordinaire en Chine, Dessins originaux. Vernissage le mardi 27 janvier 2015 à 18h30 en présence de l’artiste.